Lettre ouverte des ONG au Président de l’Union africaine, S.E. Moussa Faki Mahamat sur la situation en Ethiopie 

 17 Mars 2021 

S.E. Moussa Faki, Président de la Commission de l’Union africaine 

Siège de l’Union africaine 

P.O. Box 3243, 

Roosevelt Street W21K19 

Addis Ababa, Ethiopie 

CC: 

S.E. Felix Tshisekedi, Président de l’Union africaine 

S.E. Smail Chergui, (Commissaire sortant de l’Union africaine pour la paix et la sécurité) 

S.E Adeoye Bankole, Commissaire de l’Union africaine aux Affaires Politiques, à la paix et à la sécurité 

Hon. Solomon Dersso, Président de la Commission africaine des droits de l’homme et des peuples 

———————— 

Votre Excellence, 

Nous – les cosignataires de cette lettre, dont d’éminents dirigeants africains, activistes, mouvements de jeunesse, membres de la diaspora africaine et d’organisations de la société civile – vous écrivons en votre qualité de Président de la Commission de l’Union africaine, pour vous encourager à répondre d’urgence à la détérioration de la situation humanitaire et des droits humains dans la région éthiopienne du Tigré ainsi que dans d’autres parties du pays. Nous ne pouvons nous permettre de garder le silence alors qu’un si grand nombre de nos frères et soeurs ont cruellement besoin de l’action et de la solidarité de l’Afrique. 

Depuis le 4 novembre 2020, le conflit armé entre le gouvernement fédéral éthiopien et ses forces alliées, dont les troupes érythréennes, contre les forces affiliées à l’ancien parti au pouvoir de la région du Tigré, le Front de libération du peuple du Tigré (FLPT), a donné lieu à des violations généralisées du droit humanitaire international et des droits humains, dont des crimes qui peuvent constituer des crimes de guerre et des crimes contre l’humanité. Ont été recensées des attaques à l’aveugle contre des civils et des infrastructures civiles, des exécutions extrajudiciaires, des pillages et destructions généralisés de récoltes, des viols et des violences sexuelles, ainsi que des attaques à l’encontre et au sein de camps de réfugiés. Le conflit et les abus ont conduit à des déplacements massifs à la fois à l’intérieur du pays et vers le Soudan et d’autres pays voisins. Le gouvernement a fortement restreint l’accès à la région aux médias et aux organismes d’aide humanitaire. Il est estimé que plus de deux millions de personnes ont actuellement besoin d’une aide humanitaire. 

Malgré les appels lancés par la Commission africaine des droits de l’homme et des peuples et d’autres organisations de défense des droits humains, les restrictions à l’accès humanitaire, les abus et les souffrances des civils se poursuivent. 

En tant que dirigeants africains concernés, membres d’organisations de la société civile et de la diaspora africaine, nous sommes profondément préoccupés par le manque d’action actuel de l’Union africaine. Nous vous écrivons pour vous demander de prendre la mesure suivante : 

  • Que l’Union africaine organise, conformément aux articles 9 et 10 du Protocole relatif à la création du Conseil de paix et de sécurité (CPS) de l’Union africaine, une réunion d’urgence du Conseil de paix et de sécurité pour discuter de la crise en Ethiopie et prendre les mesures nécessaires pour assurer la protection des civils, un accès humanitaire sans entrave et une enquête internationale pour documenter la conduite de toutes les parties prenantes, garantir que les preuves d’abus soient préservées et aider à déterminer l’impact total du conflit sur les civils. 

Nous vous demandons également, ainsi qu’à la Commission, d’exhorter le gouvernement éthiopien à : 

  • Veiller à ce que les forces opérant aux côtés du gouvernement fédéral respectent le droit international humanitaire applicable dans le conflit de la région du Tigré et respectent les droits humains fondamentaux 
  • Garantir un accès sans entrave aux organismes d’aide humanitaire à tout le Tigré et faciliter l’accès dans les zones sous contrôle du FLPT et présumé contrôle des forces érythréennes 
  • Assurer la reprise de l’accès de la population aux services essentiels, tels que les services bancaires, l’électricité et l’eau 
  • Rétablir l’accès aux communications dans l’ensemble du Tigré afin que les familles puissent communiquer, mais aussi de manière à ce que les informations concernant les abus graves ayant été commis puissent sortir de l’ombre. 
  • Soutenir une enquête indépendante des Nations Unies sur la région pour documenter la conduite de toutes les parties prenantes, garantir que les preuves d’abus soient préservées et aider à déterminer l’impact total du conflit sur les civils. 

L’Union Africaine a récemment prolongé de dix ans l’initiative « Faire taire les armes » (Silencing the Guns). Alors que la recherche d’une solution durable à la crise en Éthiopie se poursuit, la Commission de l’Union africaine devrait faire de la responsabilité pour les violations graves des droits humains une priorité de sa stratégie et de son intervention. Ce serait un signe important de l’engagement de la Commission en faveur d’une paix, d’une sécurité et d’une stabilité durables pour que justice soit faite et que les responsables soient redevables face aux violations des normes internationales relatives aux droits humains. 

Bien sincèrement, 

Signataires