Déclaration du ROADDH sur la décision du Bénin et de la Côte d’Ivoire de retirer leur déclaration sous l’article 34(6) du Protocole de la Cour Africaine des Droits de l’Homme et des Peuples

Le Réseau Ouest Africain des défenseurs des Droits de Humains (ROADDH) manifeste sa reconnaissance pour les énormes progrès réalisés par les gouvernements et les peuples du Bénin et de la Côte d’Ivoire dans la promotion et la protection des droits de l’homme et leur intérêt particulier à assurer un système africain des droits de l’homme efficace et indépendant qui promeut et protège les droits de l’homme et des peuples sur le continent.

La possibilité donnée aux individus et aux organisations non gouvernementales (ONG) de soumettre des plaintes directement à la Cour africaine (principal organe judiciaire en matière de droits de l’homme sur le continent) et qui réduit considérablement les obstacles auxquels se heurtent les survivants et les victimes de violations des droits de l’homme dans leur quête de justice et de réparation, contribuant de manière substantielle à l’effectivité du mandat de la cour, a été en effet un effort louable des gouvernements du Bénin et de la Côte d’Ivoire.

Par courrier notifié le 16 mars 2020, et celui rendu public le 29 avril 2020, le Bénin et la Côte d’Ivoire ont décidé de retirer leur déclaration sous l’article 34(6) du Protocole à la Charte Africaine des Droits de l’Homme et des Peuples sur l’établissement de la Cour Africaine des Droits de l’Homme et des Peuples.

Cette décision intervient dans un contexte pré-électoral dans les deux Etats où nous assistons à un non- respect des libertés fondamentales, notamment la liberté d’expression et de manifestation pour les opposants politiques et certains Défenseurs des Droits de l’Homme.

Le retrait de leur déclaration en vertu de l’Article 34 (6) du Protocole à la Charte Africaine des Droits de l’Homme et des Peuples sur la création de la Cour Africaine des Droits de l’Homme et des Peuples par le Bénin et la Côte d’Ivoire constitue un retrait entier du très important Acte constitutif de l’UA, garant de la protection des droits de l’homme et des peuples, et est également incompatible avec l’article 4 de l’Acte constitutif qui rejette l’impunité. La protection des victimes n’est plus garantie dès lors que les plus hauts niveaux de pouvoir sapent la Cour Africaine des Droits de l’Homme et des Peuples de la portée de la loi.

La décision va donc non seulement à l’encontre de l’essence même de la promotion des droits de l’homme, de la paix et de la stabilité, ce qui constitue un recul pour les progrès accomplis vers la démocratie et l’État de droit, mais sape également la possibilité reconnue aux individus et aux organisations non gouvernementales d’exercer des recours judiciaires devant la Cour Africaine lorsque leurs droits ne sont pas respectés et au cas où ils n’obtiendraient pas justice devant les tribunaux nationaux.

Pour rappel, lorsqu’il a été question du retrait collectif des États africains de la Cour Pénale Internationale (CPI), accusée de faire du deux poids, deux mesures, des dirigeants africains avaient insisté sur le renforcement des mécanismes africains et même envisagé la création d’une Cour pénale africaine. Il semble très peu probable de mettre en œuvre une telle initiative lorsque des États membres de l’Union Africaine contribuent à l’affaiblissement des mécanismes existants.

Le Réseau Ouest Africain des Défenseurs Droits Humains (ROADDH) est profondément préoccupé par les développements récents au Bénin et en Côte d’Ivoire et appelle les gouvernements respectifs à reconsidérer leur décision dans l’esprit de la Charte Africaine des Droits de l’Homme et des Peuples.

Le Réseau en appelle à l’Union Africaine et à tous les États africains engagés pour le développement du système africain des droits humains à exhorter les gouvernements du Bénin et de la Côte d’Ivoire à reconsidérer leur décision de retrait de leur déclaration sous l’article 34(6) et invite tous les États africains à renforcer la promotion et la protection des droits de l’Homme et des Peuples à travers le continent en ratifiant le Protocole de la Cour Africaine et en soumettant les déclarations permettant l’accès direct à la Cour des individus et des ONGs.

Concernant les États ayant ratifié le Protocole à la Charte africaine portant création de la Cour africaine et ayant fait la déclaration d’acceptation de la compétence de cette Cour, le Réseau les invite à respecter leurs obligations de coopération.

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